Leslie O’Meara et Victoire Costes
« Les Sortilèges de Maillebois », 2015
Installations artistiques
dans le parc du château de Maillebois
Le château de Maillebois est un magnifique édifice Renaissance en briques rouges et silex taillés. Il fut notamment la propriété de deux personnalités remarquables, Hubert Latham, pionnier de l’aviation, puis son petit-fils Paul Félix Armand-Delille professeur de médecine introducteur de la myxomatose en France.
Nous avons décidé, en accord avec la propriétaire du château, de réaliser nos installations dans le parc, dans une zone où poussent des chênes, des châtaigniers, et aussi des tilleuls, plantés par la famille Armand-Delille quand les lapins pullulaient encore dans la forêt de Maillebois : ce sont les seuls arbres que ces animaux ne mangent pas.
Notre projet était de rendre hommage à l’histoire de ce domaine de 300 hectares, aujourd’hui entièrement voué à la chasse. Nous avons souhaité, par nos œuvres in situ, rendre présents les animaux dont les traces sont omniprésentes, mais que l’on ne voit quasiment jamais. Il s’agissait d’installer un vaste dispositif qui évoque la chasse, sans pour autant tomber dans l’éloge, le blâme, ou l’illustration de cette pratique.
A partir de la morphologie des lieux et des arbres rencontrés, nous avons créé un parcours de neuf dispositifs successifs d’art éphémère, respectueux autant que faire se peut de la forêt. Nous l’avons intitulé « Les sortilèges de Maillebois ». Il s’agissait de détourner les techniques ancestrales de chasse (appât, leurre, cage, piège…) pour leur permettre à présent de tromper les visiteurs/promeneurs. Ceux-ci, comme les personnages d’un conte de fées, sont trompés, se fourvoient, quittent les sentiers battus pour se perdre et être capturés par sorcières, ogres ou démons imaginaires. Nous avons créé un espace onirique et décalé, mi-séduisant, mi-dangereux, au sein de l’espace naturel de la forêt.
Cette expérience artistique nous a amenées à nous intéresser à un paysage pas seulement modelé par l’homme, mais aussi par l’animal. Nous nous sommes aussi interrogées : comment l’humain peut-il avoir sa place dans la nature, sans être toxique pour celle-ci, sans être mis en danger par celle-ci ?
Liste des installations artistiques dans la forêt de Maillebois, pour les Journées Européennes du Patrimoine, septembre 2015 :
1- « Le Guetteur » (LO) : Une figure peinte sur une racine d’arbre accueille le visiteur et marque l’entrée dans la zone des sortilèges.
2- « La Passée Périlleuse » : La Passée (LO), le Trompe-l’œil (LO), la Toile (Victoire Costes). Le visiteur est amené à quitter le chemin pour suivre une passée de chevreuils en se laissant guider, comme Hansel et Gretel, par de petites rondelles de bois peintes de rouge tacheté de blanc rappelant les amanites tue-mouche. Après quelques dizaines de mètres, il découvre une sorte de cyclope coloré, peint sur un tronc d’arbre souple, puis une grande toile rouge tissée au milieu d’un bouquet d’arbres semblable à une toile d’araignée. Le visiteur peut être pris au piège, mais il peut aussi revenir sur ses pas, guidé par les petits morceaux de bois.
3- « Le Signal » (LO) : Un châtaignier mort marqué par des bandes de couleurs reprenant la signalétique des chemins de randonnée montre au visiteur la direction d’une étrange randonnée.
4- « Le Chausse-trappe » (Victoire Costes et Leslie O’Meara) : Un piège à curieux, un bel oiseau au bord d’une véritable cage à faisans récupérée dans la forêt et tissée de fil rouge. Au fond de la cage, une photo (sur alu-Dibond) de nid d’oiseau légendaire. La trappe se referme dès qu’on y touche.
5- « Le Faux-semblant » (LO) : un grand visage peint sur un chêne attire par ses couleurs vives, mais il s’agit d’un arbre mort. Un ancêtre bienveillant ou un ogre menaçant ?
6- « L’Appelant » (Victoire Costes) : Fixée sur un tronc maculé de peinture de marquage, cette coiffe reprend l’idée de l’appelant, technique de chasse qui consiste à attacher à un endroit stratégique un animal vivant ou factice, afin que ses cris ou son image attire ses congénères. Les entrelacs de perles et de tissus se prolongent dans l’espace par des branches de lierre : envol ou capture ? Leurre ou trophée?
7- « Le Miroir aux Alouettes » (Victoire Costes) : A quelques mètres du chemin, des morceaux de verre transparents sont suspendus par des fils rouges aux branches d’un jeune châtaignier. Attirés par les éclats de lumière, les promeneurs sont déviés de leur route et découvrent au dernier moment la présence au sol d’un filet de chasse. Au plaisir des yeux succède le malaise d’un possible enfermement.
8- « Le Leurre » (LO) : un grand visage de roi peint, comme une parure funéraire,
sur un chêne mort. Il attire le visiteur vers le dernier piège.
9- « L’Embuscade» (Victoire Costes et LO) : Cette dernière oeuvre est l’aboutissement de toute l’installation dans la forêt de Maillebois. Après avoir suivi un chemin déroutant, le visiteur est amené à découvrir une sorte de cabane, un espace fermé qui n’est ni vraiment intérieur, ni vraiment extérieur. Celle-ci est ornée de peinture, perles, fils, voiles, rubans, riches en couleurs variées. Une gourmandise pour les yeux, équivalente de la gourmandise à manger qui orne la cabane de la sorcière dans Hansel et Gretel. Un visage ni bienveillant ni malveillant en garde l’entrée. Si le visiteur s’aventure à l’intérieur de la cabane, il découvre une paire de bottes peintes de taches rouges, un gros filet rouge rempli de mousse, trois coupelles remplies de minuscules perles rouges ou de petits os blanchis.